Riche en symboles, l’or possède également de nombreuses propriétés. Dès l’Antiquité égyptienne les hommes ont su en déceler la malléabilité : battu il se transforme en feuille. Une feuille très fine capable d’adhérer à une surface lisse. Dès lors, de l’Empire Byzantin à l’Italie baroque en passant par les cours européennes des XVII° et XVIII° siècle, la feuille d’or a été employée pour créer des œuvres et des objets d’arts. Après une éclipse, la feuille d’or nimbe les sculptures du XIX° et chatoie dans l’œuvre de Gustav Klimt. Aujourd’hui, les artistes contemporains et les designers l’utilisent pour revisiter les codes du faste. La soif de l’or est une marotte de l’histoire de l’art.
Il n’y a rien de plus léger et délicat que cette petite feuille d’or d’un micron d’épaisseur. Il suffit d’un petit souffle de vent ou d’haleine pour l’emporter. Alors, pour la protéger on utilise un coussin à dorer en peau très fine entouré de parchemin sur les côtés. Suzy y dépose délicatement une feuille et la coupe avec le couteau à dorer. Après avoir passé rapidement son pinceau en poil de martre sur sa joue pour la charger d’électricité statique, elle fait valser cette feuille d’or sur un cadre. Puis, elle la lisse avec l’appuyeux. C’est dans un atelier d’encadrement que Suzy découvre la feuille d’or. Sa référence ? Le talentueux et fécond Jean Berain, ornemaniste à la cour de Louis XIV. Son objectif ? Restaurer des cadres anciens, mais aussi des statuettes ou des objets. Son constat ? Il faut au moins trois ans pour obtenir des résultats satisfaisants. Et le matériel est onéreux.
« Si la patience et la rigueur sont les mots clés, un sens de l’esthétique et un don pour le bricolage sont un plus » ajoute Anne-Marie Festinger, intervenante de l’un des deux ateliers de Dorure à la feuille de Paris-Ateliers. Après un passage chez un antiquaire, elle opte pour la dorure. Ce qu’elle a aimé et aime toujours dans cette discipline « C’est découvrir, restaurer, et embellir des choses exceptionnelles, sauvegarder un patrimoine. Il faut prendre son temps, savoir poser - au sens littéral - son regard ». Forte d’une longue expérience sur des chantiers prestigieux (Matignon, le Mobilier National) cette professionnelle aguerrie transmet son savoir faire avec passion, livre ses secrets et donne des réponses sans forcément attendre les questions.
« La dorure à la détrempe est le fruit de longues heures de préparation, on apprête, on ponce, on encolle, on dore, on brunit avec une pierre d’agate, on patine… ». Et mieux vaut aller piano pour réussir ses supports et sublimer la dorure qui est l’ultime récompense. Tous les inscrits ont pris la mesure de l’ampleur du processus. Pierre a sculpté un petit ange de style baroque et travaille la patine pour matifier l’or neuf. Corinne dit sa fascination pour ce matériau intemporel, précieux qui jette de la lumière dans nos intérieurs et pour tous ces objets dorés qui vous offrent un voyage dans l’histoire de l’art.
Christine dégraisse le bois d’un de ses nombreux cadres familiaux endommagés auquel elle veut redonner son identité historique. Serge, qui suit en parallèle un cours de sculpture à Paris Ateliers, applique du Blanc de Meudon sur une statuette abstraite. Son prochain défi ? S’initier à la dorure à la mixtion pour recouvrir des pièces en métal. Comme tous les inscrits, il a acquis ici les bases. Pour le reste, cent fois sur le métier …