Dans le monde médiéval, des moines ou des artistes laïques recopiaient et enluminaient des textes bibliques, mythologiques, des récits de voyages, des psautiers. Née « dans » et « pour » le livre, l’enluminure (du latin enluminare : mettre en lumière) est la décoration d’une page par l’application de pigments colorés, d’or ou d’argent. Le terme miniature désignait l’ensemble des images des manuscrits. Leur but : renforcer le mot écrit, en souligner les valeurs spirituelles.
« La naissance de l’imprimerie a entrainé le déclin de l’enluminure. Et il faut attendre le XIXe siècle pour qu’un regain d’intérêt se manifeste en Angleterre » précise l’intervenante Léa Mignonat. « Qu’elle soit celtique, byzantine, romane, gothique, carolingienne, renaissance, l’enluminure obéit à des règles stylistiques et symboliques » précise l’intervenante. Elle a rassemblé dans des classeurs un certain nombre d’œuvres de styles différents ou chacun puise son inspiration. Aux débutants, elle propose de commencer par enluminer des lettrines. Aucune compétence en dessin n’est nécessaire. Le modèle sera reproduit par calque et transféré au crayon sur du papier aquarelle. Puis vient la pose du gosso ou assiette à dorer, ensuite l’application de la feuille d’or, étape très délicate. Et enfin, la mise en couleur avec des pigments, qui donnent aux miniatures ses bleus profonds et lumineux, ses rouges et ses verts scintillants comme des joyaux.
Olivier, graphiste passionné par le monde médiéval, sa liberté inventive et intéressé par les dorures et les pigments, s’est attelé à un ouvrage long et délicat sur parchemin : la reproduction d’une miniature représentant Saint Michel terrassant le dragon. Il y travaille depuis plus d’un an. Avec un pinceau triple zéro, il finalise les détails de la bordure chargée de plantes et d’animaux fantastiques et fantasmagoriques et les réinterprète avec une grande habileté. Son nouveau projet ? Enluminer un de ses dessins et préparer lui même ses pigments et le gosso d’après une recette du Moyen-Age.
Autre époque et autre style. Aux VIe- VIIe siècles, les évangiles irlandais enluminés révèlent une grande puissance graphique : cadre rectangulaire, cercles, carrés, spirales, damiers et différents styles d’entrelacs. Cette esthétique celtique insulaire séduit beaucoup de participants dont Sylvie désireuse d’essayer différents genres et thèmes. Parmi ses réalisations : une reproduction du Nirvana des légumes, illustration en noir et blanc de Ito Jakuchu, excentrique artiste japonais du XVIIIe siècle. Chacun est libre de s’approprier les styles et les techniques des manuscrits enluminés pour réaliser un projet personnel, affirmer sa singularité et réenchanter le monde.
Julie qui a toujours peint et étudié la calligraphie enlumine pour un ami comédien la dernière tirade du Songe d’une nuit d’été de Shakespeare. Le texte transcrit en semi rondiale insulaire - une écriture ronde et joyeuse - est bordée d’une frise à l’inspiration libre. Attirée par l‘enluminure pour la multitude de petits détails, elle insère le maximum de mouvements dans le minimum de place.
Si leur travail peut revêtir plusieurs formes les participants plébiscitent l‘enluminure pour les mêmes raisons : la puissance picturale ; l’association entre la décoration stylisée et l’écriture calligraphiée ; le raffinement microscopique ; les pigments aux couleurs éclatantes, les ors précieux, le bestiaire plein de « drôleries »; l’originalité des lettres ornées. Peut être aussi aussi un éloge de la lenteur.