Depuis des siècles, dieux, mythes, idées, personnages et sentiments ont été matérialisés dans un matériau idéal pour la sculpture : le bois. Abondant, divers, maniable, il séduit aussi par son contact chaleureux, ses teintes délicates et infiniment variées et ses senteurs étonnantes. Dans l’atelier animé par Vincent Faglin, diplômé de l’école Boulle, régisseur d’art et ébéniste pendant dix ans à Matignon, les participants tentent avec quelques outils d’arracher une forme à cette matière noble et de la magnifier. « Sculpter, disait Michel-Ange, consiste à éliminer toute la matière superflue pour que s’éveille et émerge la sculpture qui sommeille au cœur du bloc ».
Spacieux, clair, l’atelier aux odeurs de copeaux fraîchement taillés accueille une dizaine de participant(e)s. Chacun dispose d’un établi, élément central pour le sculpteur. Au début, deux outils sont nécessaires : une gouge qui est au sculpteur ce que le stylo est à l’écrivain et un maillet. Et c’est avec un morceau de hêtre que les néophytes font leur premier pas vers la matière : exercices de cannelure et travail du bois dans le sens du fil, à contre fil ou en travers fil « Un exercice incontournable en sculpture, affirme Vincent Faglin. Une fois cette base acquise - il faut compter une année - les plus habiles pourront commencer la taille. Lors du premier cours, je cherche à savoir dans quel but les participants viennent à l’atelier et quelles sont leurs raisons de sculpter. Certains s’intéressent à un travail ornemental, au décor de meubles, d’autres à la sculpture figurative ou abstraite. Quelles que soient les intentions, il faut concevoir son projet, le concrétiser par un dessin ou une maquette et choisir son bois en fonction.
Les essences et les textures sont infinies, du tendre tilleul au buis dur et résistant en passant par le chêne fort et malléable et le poirier à la belle texture. Tous ont leur histoire, leur caractère avec une couleur, un grain, des anfractuosités, des nœuds. Et un projet peut simplement surgir en observant une pièce de bois à la force évocatrice.
La gouge entre les mains, les participants s’attaquent à la taille qui consiste à soustraire de la matière pour façonner la pièce. Jean-Yves passionné depuis toujours par l’univers du bois est venu naturellement à la sculpture. Il travaille essentiellement en ronde bosse, définie comme une sculpture que l’on peut regarder de tous les côtés « Il y a dans le bois une chaleur, une sensualité à la vue comme au toucher que n’a pas la pierre ou l’argile. J’aime beaucoup le buis et l’if très fin que l’on peut sculpter dans les détails. » Parmi ses réalisations : des animaux, des madones, une danseuse pour sa petite fille mais aussi des choses plus abstraites. Son constat ? « On commence à être performant après quatre ou cinq ans d’atelier. Pour faire un bon travail il faut le nombre d’heures nécessaire et beaucoup de concentration, car le bois ne pardonne rien, ce qui est taillé est taillé». Ce que confirme Stéphane qui, issu de la menuiserie, réalise des bas-reliefs pour du mobilier. Toutes les odeurs de bois douces, chaudes ou fraîches et vivifiantes sont pour lui un des plaisirs de la sculpture.
En forêt, Evelyne ramasse des morceaux de bois expressifs qui renferme une foule de sculptures possibles. Sur son établi elle a serré dans l’étau une pièce de bois très tortueuse et exploite chaque nœud pour en faire une tête de gargouille.
« La sculpture qui est un travail en 3D est plus riche pour moi que la peinture, plus sensuelle. C’est aussi très physique, quelque chose que l’on peut attraper à bras le corps, autour duquel on tourne. Puis, il y a cette joie à voir que le bois commence à délivrer ce qu’on attendait de lui »
La révélation pour Marie-Annick a eu lieu au musée Cluny devant les sculptures du Moyen Âge. Pour débuter, elle a copié des œuvres d’après documents, « une très bonne méthode pour apprendre et progresser». Aujourd’hui hui, elle se dirige vers des choses plus abstraites, reproduit en cèdre une sculpture en séquoia d‘André Sandel et se nourrit de l’œuvre du russe Ossip Zadkine passée du cubisme à l’expressionisme baroque. Venus de différents horizons, les participants partagent le même idéal : extraire d’un morceau de bois une forme expressive et poétique. « Avec le bonheur de ne pas rester seul devant son établi » dit Jean-Yves. L’atelier est un espace de débats. Chacun y vient avec ses idées, ses questionnements pour un échange constructif.