« Ici c’est un autre monde. Le facteur temps n’a plus de prise sur vous et ça vous délivre du poids de l’extérieur » confie Annie. Cette ancienne bijoutière est entrée par hasard dans l’atelier de peinture d’icônes animé par Gilles Weissmann. Cela fait 6 ans qu’elle revient. C’est qu’une icône ce n’est pas seulement un objet à peindre, c’est un cheminement spirituel. D’ailleurs, l’icône ne se peint pas mais s’écrit, ne se regarde pas mais se lit.
Une icône est un engagement, cela exige du soin et de la modestie, cela prend du temps. Il faut toute une année pour parvenir à une première réalisation aboutie. « C’est un travail de patience dans lequel l’icône se dévoile petit à petit, affirme Catherine. On s’attache à l’icône comme à une personne à part-entière ». Jacqueline, elle, a repoussé les meubles du salon pour accueillir sa passion. « Vous vivez avec, vous y pensez tout le temps », confirme Cécilia.
La peinture d’icônes utilise les techniques de la fresque. Elle est réalisée sur un support en bois où l’iconographe reporte un dessin mis en couleur grâce à un mélange de pigments broyés avec du jaune d’œuf et mélangés à de l’eau. La peinture commence toujours par des couleurs sombres, « parce qu’on va de l’ombre vers la lumière » décrypte Gilles Weissamnn. Ici tout est codifié, symbolique. L’icône reflète le choix de l’église. Le modèle et la façon de le réaliser sont strictement définis : les couleurs des visages doivent être fondues quand celles des vêtements sont facettées, la vierge porte un manteau pourpre, « mais des pourpres il y en a des milliers, tempère l’intervenant. Sur un même sujet, les résultats sont toujours très différents ».
Pour l’église orthodoxe, la première icône est un mouchoir portant l’empreinte du visage du Christ, le Mandylion d’Édesse. La représentation, jusque là interdite, devient l’écho de l’incarnation et un support pour l’enseignement. L’icône cherche à exprimer ce que sont les Saints plus que ce qu’ils font. « Souvent, le point de fuite se trouve dans la personne qui regarde car le projet de l’image c’est de renvoyer à soi. C’est une image de l’invisible et un miroir ». Ce qui peut apparaître comme des erreurs ou des maladresses est une manière de nous ramener, sans cesse, en nous-mêmes.
« L’icône est au service de l’expérience vécue, pour celui qui la peint comme pour celui qui la regarde » résume Gilles Weissmann. Peintre, et non prêtre, il considère non sans humour l’existence de cet atelier comme « un miracle ». Lui-même a appris auprès d’un prêtre, à la sortie des Beaux-Arts, parce qu’il lui manquait cette dimension spirituelle. Face à lui, Audrey est en train de reporter un dessin transposé sur calque. C’est sa première année mais, déjà, elle constate que le soin joyeux qu’elle prend avec son icône s’est mis à infuser le reste de sa vie.
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