Dans nos ateliers, chaque discipline a ses impératifs et chaque intervenant a ses petites manies... Nous vous invitons à les découvrir à travers le portrait des intervenants qui les font vivre.
Nom : Sophie Mollaret
Discipline enseignée à Paris Ateliers : Dentelle aux fuseaux
Depuis combien de temps : Depuis 2021.
Quelle est ta formation, ton parcours ?
Après mon bac, j’ai fait une licence de droit puis j’ai travaillé pendant 20 ans dans l’univers de la Banque. Ensuite je me suis reconvertie, enfin si je puis le dire ainsi, car j’ai commencé la dentelle à mes 14 ans et je n’ai jamais arrêté d’en faire !
La dentelle et plus largement les arts du fil, sont une véritable passion qui m’a prise adolescente. Mes parents m’avaient dissuadé d’en faire un métier, persuadés que je ne pourrais jamais en vivre. Ce qui fut finalement plutôt judicieux, car avec les productions de Calais et de Caudry, la concurrence est très importante. Aujourd’hui, je vis de ma dentelle, je fais beaucoup de restauration de dentelles anciennes, mais effectivement très peu de production pour la vente.
J’ai commencé par donner des cours à un petit groupe de dentellières à Provins, puis j’ai lancé une revue, « Les cahiers d’une dentellière » avec une partie historique, une partie technique, une partie actualité… Elle n’est aujourd’hui plus en activité, car mon activité croissante et mon nombre d’élèves augmentant chaque année, je n’avais plus assez de temps à y consacrer.
Que souhaites-tu apprendre à tes élèves, que souhaites-tu leur transmettre ?
Tout ce que je sais sur la dentelle, à savoir beaucoup de choses...
Je leur parle un peu de l’histoire de la dentelle qui est pour moi quelque chose de très important, les origines de la dentelle sont même assez amusantes !
Ensuite, je leur apprends la technique ainsi qu’à sortir des sentiers ; la plupart des enseignants n’enseignent que la dentelle torchon, autrement dit la dentelle Du Puy. Mais, il faut sortir de ce type de dentelle, s’aventurer vers la dentelle Cluny, avec le point d’esprit, qui est plus intéressant, plus technique.
Puis, en fonction des élèves, je m’adapte, certains seront moins à l’aise mais auront envie de faire, je leur propose alors des dentelles plus simples comme la dentelle russe par exemple, qui nécessite peu de fuseaux mais qui se travaille enlacée.
Je me bats pour que la transmission de ce savoir perdure, pour trouver des personnes susceptibles de prendre ma relève et même être meilleures que moi ! C’est une réussite, c’est un vrai métier, il ne faut pas que cela se perdre, ce serait une catastrophe.
Que retires-tu de ton expérience d’intervenante ?
Oh que des bonnes choses !
Pour moi, le rôle d’intervenante est de transmettre mais aussi d’aider les autres, à travers l’apprentissage de la dentelle mais pas uniquement. J’ai eu des élèves en dépression qui se sentaient mieux en pratiquant la dentelle aux fuseaux. C’est très gratifiant, cela me permet de me dire que je ne fais pas ça pour rien, que j’apporte quelque chose à mes élèves.
Et j’essaie de proposer des projets collectifs, comme il y a 2 ans lors de l’exposition organisée par Paris Ateliers à la MPAA. Avoir un thème, tous avancer ensemble sur ce même thème, crée quelque chose de fort que j’aime énormément.
Trois mots pour décrire l’ambiance de ton atelier ?
Convivial, bavard... Nous recréons à l’atelier ce que l’on appelle un « couvige », terme qui était utilisé pour désigner une réunion des dentellières qui se retrouvaient pour travailler tout en bavardant de choses et d’autres.
Pour moi, c’est ça l’ambiance d’un atelier. Maintenant le terme de couvige a été un peu galvaudé, et désigne aujourd’hui les expositions de dentelle.
Et j’ajoute l’entraide !
Ta technique, outil, matériau ou support favori ou indispensable ? Pourquoi ?
Ça va être simple : le métier, les fuseaux, le fil, le patron. Pour ma technique favorite, certains diront que c’est la dentelle de Valenciennes car j’en suis originaire. C’est une technique très particulière, très fine. C’est la dentelle par laquelle j’ai commencé quand j’étais petite.
Il y a aussi la dentelle Cluny, qui vient de Haute Loire dans laquelle on retrouve les points d’esprit et de croisement. Ces points sont très techniques et assez compliqués à apprendre.
Les « petites manies » de ton atelier ?
On déjeune sur place avant de commencer, c’est beaucoup plus sympa ! On fait des petits pots de temps en temps, pas assez souvent d’ailleurs.
Ma technique d’apprentissage n’est pas forcément traditionnelle, il ne faut pas oublier que je suis autodidacte ! Je n’utilise pas les méthodes habituelles du « croise – tourne » qui consiste, plutôt que d’utiliser les noms des points comme la demi-passée, la passée, la passé tordue, la torsion, à les traduire par « croise-tourne ».
Au cours de mes années d’enseignement, j’ai réalisé que beaucoup d’élèves se sont retrouvés à ne plus savoir dans quel sens croiser et tourner. Alors, je leur apprends à faire le point directement avec des chiffres, par exemple avec 4 fuseaux vous faites 2 sur 3, puis 2 sur 1… Et ensuite je ne leur parle qu’avec le nom des points, il faut acquérir le nom des points c’est important.
Après cela, vous savez tout faire, il faut juste suivre le modèle !
Des projets ?
J’organise tous les deux ans un forum de la dentelle à Provins. La prochaine session sera en juin 2025, avec une trentaine de dentellières qui travaillent sur le projet. Toute une maquette de la Tour César de Provins haute de 1m50 sera entièrement habillée en dentelle.
Si vous souhaitez en savoir plus sur l’atelier de Sophie à Paris Ateliers : Dentelle aux fuseaux
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